Baci, je ne connais que le nom, je sais que c’est le nouveau restaurant sis au sein du nouveau Théâtre de Liège, dans un salon du premier étage, et c’est tout… voilà, je débarque comme un profane, comme un novice, mais les critiques lues et entendues me disent que je suis à la bonne adresse.
Une fois la porte du Théâtre passée, traversez le premier hall, entrez dans le second et prenez le majestueux escalier sur votre droite pour rejoindre un Salon de l’ancienne Emulation. L’Emulation, à l’image de l’esprit de ses fondateurs de 1779, se voulait universaliste et s’efforce de répondre à son objet, à savoir cultiver les lettres, les sciences et les arts… Devenu Théâtre de Liège et haut lieu de la scène culturelle de la Cité ardente, le Théâtre de Liège et Maxence Louis, jeune chef du Baci, comblent à présent également les gastronomes. Le Salon Vert, un décors d’époque, moulures au plafond, fresques peintes sur les murs, parquet, très haut ciel d’époque, l’éclairage laisse toutefois à désirer, je trouve la lumière au plafond trop crue, il règne dans ce Salon, un côté un peu froid et trop sombre à mes yeux, seuls les discrets lampadaires des tables incitent à l’intimité.
La première rencontre sera celle avec Jonathan Lopez, le mixologue de l’établissement… il arrive avec son chariot à negroni et devant nous, tout en nous gratifiant de beaucoup d’explications sur l’histoire de ce célèbre cocktail innovant, bien que datant de 1919, Jonathan compose pour nous un negroni sur-mesure, selon nos goûts. L’histoire nous contée est passionnante et le résultat flatte à souhait nos palais ! Le mix de Gin, de Campari et de Vermouth est à la hauteur de sa réputation.
Nous nous laisserons tenter par un déjeuner en quatre actes, théâtre oblige… ainsi que par la sélection du sommelier, quatre actes, quatre vins, quatre verres ! Il ne reste plus qu’à frapper les trois coups à l’aide du brigadier pour que commence la fête des palais !
Au lever du rideau, en prologue, nous avons droit à des « Cicchetti » de bienvenue, à savoir des mises en bouche, et de la Focaccia accompagnée de son beurre. Les « Cicchetti » nous servis sont une émulsion de brandade de morue avec un crumble aux olives noires, des tartelettes de chou-fleur et mûres et pour terminer, l’olive « martino » que l’on nous conseille de manger en une seule bouchée. A raison, en fait l’olive est faite de beurre de cacahuètes, elle est tout simplement fake et une fois en bouche, elle explose littéralement et seule l’huile d’olive est là pour rappeler le goût de ce petit fruit du sud. Original !
Nous sommes bien installés, le premier acte peut maintenant commencer…
Artichaut alla giudia, cacio e pepe, citron fumé… Cette délicieuse préparation prend ses origines à l’époque du Ghetto juif de Rome. La communauté juive de l’époque avait pour habitude de cuisiner l’artichaut frit pour célébrer la fin du Kippour. Il en tire ainsi son nom « Carciofo alla Giudia » ou en français, « artichaut à la juive ». Depuis ce plat est devenu l’une des spécialités culinaires de Rome. Le cacio est quant à lui du fromage pecorino romano et le pepe, du poivre noir. On est sous le charme, pour sûr, d’autant que vin proposé est parfait pour sublimer les diverses saveurs de cette entrée, c’est un 100 % Grüner Veltliner autrichien du Domaine Wachau à Vienne, une minéralité certaine et une légère amertume, long en bouche, élégant, il titre à 11%, ce qui est parfait pour une première bouche.
Acte deux, l’intrigue s’installe…
Agneau de lait, abricot et fruits secs… Surprise, l’agneau se présente sous forme de petits soleils nappés d’une émulsion dont j’ai malheureusement oublié le goût et la composition. Les soleils sont en fait un souvenir de Marrakech du Chef, semblables à des ravioles, ils sont farcis d’épaule d’agneau des Pyrénées confite, et terminées avec amandes et pistaches. Ces ravioles seront accompagnées du soleil du Portugal, à savoir un Terras do Grifo de 2019 de la région du Douro, vin barriqué, sans trop de longueur, mais néanmoins très plaisant.
Acte trois, le suspens est à son comble, la salle est prise par le jeu des acteurs…
Le vin d’abord, un cépage pas très connu, un 100% Tannat, originaire du Béarn, riche en tanins et carré des épaules, ce qu’il faut pour le plat… Les deux vaches rouges de chez Famille Laplace, un vin du Sud-Ouest de l’Hexagone, plus précisément des Pyrénées, nous offrent encore du soleil ! Il accompagnera nos plats… Veau, purée de céleri rave, croquette de Parme, morilles laquées et farcies d’une déclinaison à l’ail noir. Cuisson parfaite, la viande est un délice tout comme le reste du plat. Nos bouches sont un peu comme des athanors ce jour, où les particules s’entrechoquent pour créer un égrégore culinaire.
Nous voici arrivé à l’épilogue…
Pour ce faire, nous pique-niquons dans un jardin de Vintimille, dans notre besace, du camembert à la Bufala, donc fait avec du lait de bufflones, et qui se décline de deux manières différentes, d’abord nature mais bien affiné et très structuré, et ensuite en émulsion de camembert de Bufala, pommes, vinaigre de cidre et noisettes du Piémont. L’émulsion est incroyable de légèreté mais l’audacieux assemblage ne laisse pas nos palais indifférents, quel plaisir !
Avant de rejoindre le péristyle, un café et quelques mignardises… un marshmallow, une tartelette meringuée au citron et un craquant au chocolat. Je suis content de ne pas avoir pris le cinq services, on n’en serait jamais arrivé à bout…
Chez Baci, reconnaissons-le, tout est question de détails, de saveurs raffinées et d’influences méditerranéennes. Une expérience que je vous recommande chaudement !